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JUILLET / AOÛT 2018

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La disparition de l’

Oiseau blanc

avec ses deux pilotes

français lors de la première tentative de traversée entre

Paris et New York, en 1927, renforça la conviction que

des vols de l’est vers l’ouest étaient alors impossibles à

réussir en raison des vents contraires dominants.

Ce sera un équipage irlando-allemand qui réalisera pour

la première fois cet exploit en avril 1928, lors du vol

historique mais aujourd’hui méconnu du

Junkers

W-33

Bremen

.

Le 12 avril 1928, à 5 h 38, lorsqu’aux commandes du

Bremen

,

ils quittèrent l’aéroport de Baldonel, près de Dublin, les trois

aviateurs, deux Allemands et un Irlandais, avaient pour ob-

jectif d’atteindre New York. Ils n’atteignirent jamais New

York, mais une petite île perdue entre Terre-Neuve et le

Labrador, appelée Greenly. Le commandant James

Fitzmaurice, le capitaine Herman Koehl et le baron

Ehrenfreid Von Hünefeld marquèrent pour toujours l’histoire

de l’aviation en accomplissant la première traversée sans es-

cale de l’Atlantique dans le sens est-ouest. Ils réalisèrent l’ex-

ploit une année après celui du célébrissime Charles Lindberg

qui avait réussi la traversée dans le sens inverse, de

New York à Paris.

L’envolée du

Bremen

dura plus d’une journée et demie. Le

trajet nécessitait un effort physique intense de chaque se-

conde. Les aviateurs se relayaient toutes les demi-heures

pour tenir le coup. L’appareil ne possédait aucun système de

chauffage et il n’y avait pas de radio à bord. Le vent de face

avait réduit la vitesse de croisière à moins de 120 km/heure.

Vissés à leurs instruments, ils livrèrent un combat sans

merci aux éléments. Dans la cabine de pilotage, les trois for-

çats du ciel, épuisés, volaient depuis maintenant 36 heures

et demie. Il faisait presque nuit. À travers l’obscurité et la

neige qui tombait dru, ils scrutaient avec anxiété au-dessous,

cherchant fiévreusement une parcelle de terre pour évaluer

leur position géographique, se croyant toujours en route vers

New York. Les flocons devenaient de plus en plus épais et le

vent de plus en plus violent. Un objet sombre surgit soudain,

qu’ils prirent pour la cheminée d’un navire. L’équipage du

Bremen

passa et repassa au-dessus de la colonne mysté-

rieuse, bientôt soulagé de découvrir qu’il s’agissait d’un

phare. Ils savaient qu’ils avaient atteint l’Amérique, mais où?

À bout de forces et de carburant, ils décidèrent d’atterrir à

proximité du phare, Pendant un moment, ils survolèrent les

lieux en quête de l’endroit le moins dangereux où se poser,

puis retenant leur souffle, ils amorcèrent la descente… à la

grâce de Dieu.

Le 13 avril 1928, à 18 h 8, le coucou de ferraille atterrit dans

un tapage d’enfer. Les trois hommes étaient sains et saufs,

mais les pneus du

Bremen

s’étaient enfoncés dans la glace.

L’hélice était endommagée.

Au même moment, le fils du gardien du phare était entré en

hurlant chez lui après avoir été témoin de l’atterrissage. Son

père, sortit aussitôt et courut au secours de l’équipage, s’at-

tendant au pire. Il trouva les trois hommes ébranlés mais in-

demnes. Ils apprennent alors qu’ils ont complété leur vol

transatlantique sur l’île Verte (Greenly), au large de la Basse-

Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, à l’extrémité est du

Québec, mais qu’ils avaient échoué bien loin de New York où

les attendaient des milliers de personnes. C’est par l’entre-

mise de la station télégraphique de Lourdes-de-Blanc-

Sablon, un village de pêcheurs situé non loin, que l’Amérique

et le monde apprendra l’arrivée du

Bremen

sur le continent.

Le 15 avril 1928, au surlendemain de l’atterrissage forcé, un

avion Fairchild sur skis part du lac Sainte-Agnès, près de La

Malbaie, avec un mécanicien à son bord pour réparer le

Bremen

. Ce sera peine perdue. Après moult péripéties,

SAVIEZ-VOUS QUE ...

Par Roger Coupal

| Archiviste, Fondation Aérovision Québec |

rcoupal@aerovision.org

TRAVERSÉE PARIS-NEW YORK EN 1928

Vol méconnu du Junkers W-33 Bremen qui réussit cet exploit