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JANVIER / FÉVRIER 2018

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SAVIEZ-VOUS QUE ...

Par Roger Coupal

| Archiviste, Fondation Aérovision Québec |

rcoupal@aerovision.org

Le vol de brousse dans les années 1920-1930

Une passion sans borne, presque inexplicable, anime les

conquérants du ciel! Une mission spirituelle les pousse vers

la liberté, l’aventure et le renouveau. Une soif insatiable ti-

raille certains esprits au tournant du 20

e

siècle, à une époque

de dépression économique et de chaos politique. Ces êtres

exceptionnels sont hantés par le charme du ciel, pays sans

frontières, où l'on pourrait enfin retrouver la paix et la gloire!

La Première Guerre mondiale a permis à bien des Québécois

d’acquérir des compétences de mécaniciens, de concepteurs,

de constructeurs et de pilotes. Plus de 2000 rapatriés cana-

diens sont des pilotes de combat entraînés, dont certains

veulent rester dans l'aviation. C’est ce qui sert de tremplin

au développement du vol de brousse.

En 191 9, les territoires du nord de la province sont encore

inexplorés. Mais cela va changer grâce aux intrépides pilotes

de brousse et à leurs robustes appareils. Ces pilotes joueront

un rôle essentiel dans l'exploration et la mise en valeur des

abondantes ressources naturelles du Québec. Ils contribue-

ront aussi à créer de véritables « routes du ciel ». Les pilotes

de brousse québécois vivront des aventures légendaires

dans la terre hostile du Grand Nord. L’hiver, ils devront af-

fronter le froid glacial; l’été, le harcèlement des moustiques;

et toute l’année, la solitude la plus totale et la plus absolue.

Pour survivre et rester sains d’esprit, ils doivent surmonter

autant les contraintes de la nature que les caprices de leur

machine volante. Afin de ne pas mourir de faim et éviter les

accidents, ils apprennent donc à respecter cette toute nou-

velle frontière : le ciel, tantôt amical, tantôt hostile.

Éloignés des grands centres urbains, ces nouveaux défri-

cheurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Ils gèlent,

ils luttent, ils s’ennuient de leur famille. Dans l’unique but

d'éloigner la mort, ils doivent pratiquer tous les métiers re-

liés à leur nouvelle technologie et devenir mécaniciens,

météorologues, navigateurs, infirmiers et… diplomates.

Pour bien raconter l’histoire des premiers aviateurs du

Québec, il faut employer de grands mots : passion, mission,

vision, sensation, émotion! Dans cette histoire, il y a autant

de joies intenses qu’il y a de souffrance et de misère. À l’ex-

tase vécue à 2000 pieds d’altitude succède la terreur au

contact brutal de la surface gelée d’un lac du Grand Nord.

Grâce à des hydravions à coque comme le Curtiss HS-2L, les

pilotes ont accès à des milliers d'aéroports improvisés : les

innombrables lacs et rivières du Québec.

Ils acheminent aussi le courrier et effectuent des levés et de

la cartographie aérienne. En 1934, le Québec établit un re-

cord au Canada pour la quantité de marchandises transpor-

tées par avion : courrier, machines, blessés, malades, canots,

médicaments et même des castors! Enfin, tout ce qu’on peut

imaginer est alors transporté par la voie des airs.

Deux autres véritables bêtes de somme du ciel sont aussi

dignes de mention : le Noorduyn Norseman, considéré

comme le meilleur avion de brousse de son temps, et le

Fairchild FC-2W2. Leur cabine fermée rend le vol plus

confortable, surtout au cours des durs hivers québécois. Fini

le temps des doigts gelés sur le manche à balai.

Jean-Marie Landry, Stuart Graham, Rodolphe Pagé, Arthur

Fecteau et Roméo Vachon, entre autres, méritent tous l’ad-

miration et le respect du milieu contemporain de l’aviation

québécoise.

Au cours des prochaines chroniques, il sera question de ces

précurseurs et de ces braves ainsi que de leurs « machines

volantes » qui ont anobli le pilotage de brousse.

Le Curtiss HS-2L, un des premiers avions

de brousse au Québec (1920).