MARS / AVRIL 2018
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Le 2 février dernier se tenait au Centre des congrès de
Lévis le « Sommet sur le transport aérien régional au
Québec ». Attendu depuis presque deux ans, ce sommet
voulait s’adresser à trois grandes problématiques du
transport aérien en région, soit la qualité de la desserte,
le prix des billets et les infrastructures.
Ce n’est pourtant pas la première fois que le gouvernement
du Québec se penche sur cette problématique. À la fin des
années 90, le ministre des Transports, Jacques Baril, a tenu
une consultation qui avait accouché de la Politique du trans-
port aérien. Un élément majeur de cette politique était une
entente négociée avec Air Canada pour maintenir une offre
de service en région en échange d’un revenu plancher ga-
ranti. Cette entente ne fut pas renouvelée par le gouverne-
ment suivant qui y voyait un obstacle à la compétitivité. En
2010, Julie Boulet, ministre des Transports, a lancé le Forum
de concertation en transport aérien. À la suite de ce forum,
un groupe de travail avait alors été créé afin d’élaborer des
pistes de solutions.
Huit ans plus tard, la pression des régions amène le gouver-
nement à revoir cette problématique. Les mêmes problèmes
sont identifiés qu’il y a vingt ans. C’est pourquoi, en arrivant
au Sommet, plusieurs des participants avaient sûrement en
tête la fameuse expression d’Yvon Deschamps « Qu’ossa
donne », habilement adaptée par de nombreux autres au
monde sociopolitique québécois.
Ce qui risque de distinguer ce sommet des autres exercices
tentés antérieurement est la participation du premier minis-
tre, une première dans les assises québécoises des dernières
décennies. Le fait que le premier ministre vit en région a
peut-être suffi pour donner à cette problématique l’attention
gouvernementale nécessaire pour en faire une priorité gou-
vernementale et, souhaitons-le, mettre en place des solu-
tions concrètes et permanentes. De plus, les promoteurs
régionaux du transport aérien seraient bien contents de pro-
fiter de la dynamique d’une année électorale pour voir de
réelles solutions mises en place.
L’implication de l’Union des municipalités du Québec (UMQ)
est loin d’être banale et a probablement stimulé le gouver-
nement à agir. Les axes promus par l’UMQ sont justes et né-
cessaires à l’élaboration de politiques gouvernementales à
tous les niveaux très nécessaires non seulement au maintien
mais à la survie même du transport aérien régional au
Québec. L’UMQ demande que le transport aérien soit consi-
déré comme un service essentiel, que les programmes mis
en place stimulent la concurrence, que toutes les parties pre-
nantes travaillent ensemble pour améliorer la tarification et
que les gouvernements reconnaissent enfin que le transport
aérien est un élément clé du développement régional.
Le fait marquant de ce sommet est que le premier ministre
a lui-même annoncé six engagements majeurs de son gou-
vernement en matière de transport aérien régional, soit :
1. Mise en place d’un nouveau programme d’aide pour les
infrastructures aéroportuaires régionales;
2. Mise en place d’un programme d’aide pour la desserte aé-
rienne régionale;
3. Simplification et bonification du programme de réduction
des tarifs aériens déjà en place;
4. Réflexion afin de présenter rapidement des mesures
concrètes pour que les Québécoises et Québécois puissent
visiter nos régions à plus faible coût;
5. Création d’un canal de communication spécifique au trans-
port aérien avec le gouvernement fédéral;
6. Une gestion plus efficace des déplacements des employés
de l’État dans les régions du Québec.
Le premier ministre et la ministre déléguée aux Transports
ont semblé dire que toute option pouvait être mise sur la ta-
ble si cela pouvait aider à régler le problème, incluant l’abo-
lition de la TVQ associée au transport aérien régional « si
cela s’avérerait la meilleure mesure ».
J’endosse la déclaration du gouvernement voulant que les so-
lutions régionales doivent venir des régions. Il soutient la
création de comités régionaux qui auront comme mandat :
1. D’identifier les actions prioritaires;
2. Faire progresser l’organisation et l’offre de transport aé-
rien, et;
3. Développer des incitatifs touristiques.
Un engagement clé du premier ministre est de « créer une
passerelle permanente de communication avec le gouverne-
ment fédéral ». Aucune solution viable en transport aérien
n’est possible sans la participation active du fédéral. La pro-
blématique du transport aérien régional exige que les chi-
canes traditionnelles de juridiction et de protocole soient
remplacées par la collaboration et un désir partagé d’amé-
liorer le sort des régions.
Malheureusement, tout effort de promotion des services de
transport aérien régional au Québec ou ailleurs au Canada
serait balayé du revers de la main si le gouvernement fédéral
persiste avec sa proposition d’amender la réglementation
sur les temps de vol des pilotes. Les transporteurs régionaux
se verraient obligés d’embaucher 50 % plus de pilotes pour
maintenir l’offre de service actuelle. La pénurie actuelle de
pilotes est déjà une grande menace aux transporteurs régio-
naux. Cette nouvelle réglementation pourrait s’avérer le clou
dans le cercueil du transport aérien régional. Il est vital que
les leaders régionaux et provinciaux rappellent à l’ordre le
ministre fédéral des Transports et lui fassent comprendre
que son initiative malheureuse aura des conséquences catas-
trophiques pour les régions. •
ENJEUX
Un sommet, qu’ossa donne?
Par John McKenna
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jmckenna@atac.ca