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JANVIER / FÉVRIER 2021 68 Photos et texte par Pierre Lapprand Le célèbre pilote d’essai Rozanoff et le mur du son Samedi matin, 17 janvier 1953, Marignane, sud de la France. Météo excellente. Un avion monte à 40000 pieds (environ 12000 mètres) d’altitude. Son pilote, le colonel Constantin « Kostia » Rozanoff, directeur d’essai chez Dassault, renverse le chas- seur Mystère IV-A 01 sur la gauche, pousse sur le manche et plonge dans un piqué vertigineux. Devant lui : la mer Méditerranée. Et comme il l’écrit lui-même dans son livre Double Bang, « L’avion ressemble davantage à un projectile. Le sol ne compte pas. Seuls vivent les cadrans. » L ’aiguille du machmètre se déplace rapidement à Mach 0,98… Et s’immobilise! Le pilote accentue doucement la chute verticale, l’aiguille passe à Mach 1 et revient à 0,98. « Aucun bruit n’a été perçu. » Il termine son vol et pose l’avion, le Mystère IV A, dernier nouveau f leuron de l’équipe Marcel Dassault qui f it son premier vol seulement 4 mois plus tôt, le 28 septembre 1952. Ce chasseur fait partie de cette nouvelle génération d’avions munis d’ailes en f lèche et de moteurs de plus en plus puissants. D’ailleurs, la Patrouille de France l’adoptera en 1956 pour 7 ans. Mais revenons à cette journée qui passera à l’histoire. De re- tour au bureau, le colonel reçoit un coup de f il de Marseille. Deux techniciens de la maison Dassault qui prenaient l’apéritif ont entendu un « boum » supersonique, et l’heure correspon- dait au vol en question! Le mur du son venait d’être franchi! Rozanoff tenta l’après-midi même un nouvel essai. Il décolle à 16 h 5, moment appelé le « point zéro » de l’essai. Suivant un intervalle régulier de 2 fois par minute, le pilote communique au sol. À chaque tranche de 1000 mètres au cours de la mon- tée, il annonce les données suivantes : altitude, vitesse, nom- bre de Mach, régime du moteur, température de sortie de tuyère, altitude de cabine. Mais qu’est-ce que l’altitude de ca- bine? Il s’agit de l’altitude ressentie dans la cabine selon le degré de pressurisation qui doit f luctuer selon cette altitude. Par exemple, quand l’avion est à 11000 mètres dans les airs, la cabine est pressurisée comme si elle se trouvait à 6500 mè- tres. Cette pressurisation est relative, elle obéit à des normes de sécurité; car si elle était pressurisée pour une altitude de 2000 mètres, la moindre petite balle trouant cet habitacle créerait une dépressurisation équivalente à une différence soudaine de 8000 mètres d’altitude. Le pilote n’y survivrait pas. La cabine subit par conséquent une pressurisation pro- gressive. À sa première tentative, Rozanoff échoue. L’avion se redresse de lui-même à Mach 1 au machmètre. Une descente de seule- ment 500 mètres d’altitude et personne au sol n’ayant entendu une détonation. À sa deuxième tentative en montée à 12200 mètres, puis plongée en renversement du nez pointé en direc- Le prototype du Mystère IV A, piloté par Rozanoff, conservé au musée de l’Air et de l’Espace du Bourget. – Photo Pierre Lapprand

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