V27N1

• Volume 37 Numéro 1 22 L’expérience est la référence de tout pilote quand vient le temps de parler d’un entrainement sur un nouveau type, sur la dif f iculté de décoller et d’atterrir sur un aérodrome ou d’aller dans une partie du pays dont nous ne sommes pas fa- miliers. Le nombre d’heures de vol est ce qui quanti f ie cette expérience, les cheveux blancs en sont le qualitatif ! Pourtant, il y a peu de temps, j’ai réalisé que l’expérience n’a rien à voir avec ce que nous pensons, lorsque nous en discutons autour d’un café. Lorsque j’ai commencé dans l’aviation, j’avais seize ans et j’é- tais le premier de la famille à prendre les airs aux commandes d’un aéronef (un planeur ASK13 F-CERB). Mon but était, comme la majorité des jeunes, de devenir pilote de chasse dans l’armée. Sur le terrain de l’aviation, j’ai eu l’occasion de rencontrer nombre de pilotes. Ils venaient de divers horizons ; comme la ligne aérienne, l’armée, et l’aviation d’affaires. Cer- tains aussi pratiquaient l’aviation par loisir et étaient plus ou moins loin impliqués dans l’aviation. Alors, comme vous pou- vez vous l’imaginer, après la journée de vol, les membres du club se retrouvaient autour du bar pour prendre un verre (eh oui, dans le sud de la France, le pastis était religion !) et pour raconter nos vols, nos histoires. Notre attention se portait vers ces pilotes qui avaient la chance de faire du vol, leur métier. Pour nous, ce pilote qui passait sa vie à survoler les continents ou celui qui partait pour une mission de vol à Mach 1 nous semblaient être les meilleurs pilotes. Leur expérience nous ap- paraissait comme un bouclier qui leur permettait d’affronter n’importe quelle situation, voler n’importe quel avion. Mais vous savez qu’il existe un vieil adage qui dit qu’il n’y a pas de bons pilotes, il y a des vieux pilotes. Quand j’ai commencé à enseigner à ITPS comme instructeur de pilote d’essai, j’ai eu à former des pilotes de transport et des pilotes de chasse. Je devais les former sur les techniques d’essai, assumant que pour eux, voler un avion, que ce soit un multi moteur à piston ou un jet monomoteur, ne serait qu’une formalité. J’ai vite compris que la tâche n’était pas si simple. Vous pensez que j’exagère certainement ? Que pensez-vous d’un pilote de chasse qui a passé ses dix dernières années à voler exclusivement un F16 et qui se retrouve aux commandes d’un Cirrus SR22 ? À priori, rien de bien sorcier pour ce pilote. Maintenant, mettez-vous à la place de ce pilote qui a toujours tenu la commande de puissance dans la main gauche (dans son F16) et qui se retrouve dans une situation où il veut remet- tre les gaz à bord du SR22. Eh oui, son instinct et sa mémoire motrice lui ont fait pousser sur le manche croyant mettre la puissance ! J’ai compris que l’expérience n’est valide que dans le domaine où nous avons exercé principalement. Ainsi, un pilote de ligne ne sera pas nécessairement le plus compétent à voler un C172 en VFR, tout comme un pilote d’essai ne sera pas prêt à voler un avion de façon parfaite sans un minimum de familiarisa- tion. Il nous faut plus ou moins de temps pour nous « dépro- grammer » et nous formater à un nouvel environnement. Ce même pilote de F16 était tout à fait à l’aise lorsqu’il a volé des jets d’entrainement dont la cabine avait la même con f iguration que le F16. Il n’y a donc rien de gênant à donner des informations de base à un pilote expérimenté et, surtout, nous ne devons pas as- sumer que le pilote sait tout. Il en est de même pour nous, lorsque nous allons voler dans un nouvel avion, nous ne de- vons pas hésiter à recueillir les informations pertinentes. Tou- jours rester attentif, prévenir plutôt que guérir. par Raphaël Langumier arlaviation@gmail.com L’expérience d’un pilote L’auteur en compagnie d’élèves de ITPS Crédit photo : Raphaël Langumier

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