V24N4

MAGAZINE AIR V36N4 24 Entraîner les 97% manquants : la science de la disponibilité dans le contrôle de l’approche non stabilisée Le cerveau humain doit comparer chaque situation qui se présente à lui avec un catalogue de situations apprises dans le passé. Dans le cas de la remise des gaz pendant l'approche non stabilisée, on s'attend à un processus décisionnel rapide et exempt de biais personnel. Jean LaRoche, FRAeS Directeur de la recherche et du développement aéronautique Centre québécois de formation aéronautique Selon l'IATA, entre 2012 et 2016, un accident sur six dans le monde suivait une approche non stabilisée. Il s'agit sans conteste de la plus grande menace à la sécurité aérienne au ‐ jourd'hui. En 2020, aucune autre décision ne peut avoir autant d'impact positif sur le nombre d'accidents que la décision de remonter 1 . En fréquence décroissante, les risques de conti ‐ nuer une approche non stabilisée sont 1) l'atterrissage dur et l'usure excessive de composantes de l'avion; 2) la sortie de piste menant jusqu'à la perte totale de l'appareil; et 3) l'impact au sol avant la piste. Le concept d'approche stable fait référence à l'obtention d'un angle d'approche constant, d'une vitesse indiquée constante, d'un taux de descente contrôlé et d'une con f iguration adé ‐ quate. Combinés, ces critères mènent à la zone de poser des roues où la manœuvre d'atterrissage débute. Chaque année dans le monde, 976000 approches aux instruments sont non stabilisées et 945000 sont poursuivies jusqu'à l'atterrissage. 1 Une approche non stabilisée se décrit comme étant un état d'aéronef ou une con f iguration qui excède les critères prééta ‐ blis d'une approche stable. Plus précisément, les déviances sont des écarts de vitesse V ref , une mauvaise application de la puissance moteur, des écarts par rapport à la pente d'ap ‐ proche et de nombreuses erreurs de con f iguration de l'aéro ‐ nef, en passant par la position du train d'atterrissage, des volets, et des déporteurs. Que l'approche non stabilisée soit intentionnelle ou non, les procédures normalisées (SOP) de tous les opérateurs com ‐ mandent une remise des gaz obligatoire à partir de portails prescrits (gates). Malheureusement, seulement 3 % des re ‐ montées obligatoires sont exécutées. La rareté incite à comp ‐ tabiliser la remise des gaz comme étant le quatrième risque opérationnel inhérent à l'approche non stabilisée puisque plu ‐ sieurs accros aux SOP y sont observés et qu'elle aurait pu être évitée en exécutant une approche stabilisée. « Les pilotes considèrent souvent que la remontée est un risque plus grand que de continuer l'approche non stabilisée. » 2 La remise des gaz perturbe aussi le contrôle aérien terminal. Dans la grande majorité des approches non stabilisées, l'éner ‐ gie cinétique est excessive (haut et vite). Exceptionnellement elles mènent aux décrochages avant ou au ‐ dessus du seuil de piste. Dans la totalité des événements, on note l'absence d'im ‐ plication réactive et décisionnelle du pilote qui n'était pas aux commandes (PM). Ce n'est que récemment que l'industrie a documenté précisément la prépondérance des prédicteurs d'approches non stabilisées à 500 pi AGL 3 . En ordre décrois ‐ sant de fréquence, ces prédicteurs sont : 1) la puissance moteur au ralenti (Flight Idle) 2) Auto ‐ Throttle désactivé 3) déporteurs déployés 4) écart de pente 5) écart d'alignement 6) volets non sortis 7) écart de taux de descente 8) écart avec Vref. Dans ce contexte de prépondérance de facteurs, la puissance moteur au ralenti est le prédicteur le plus f iable qu'une ap ‐ proche non stabilisée est en cours ou est sur le point de dégé ‐ nérer. Lors d'entrevues orales 4 , en proposant aux pilotes de ligne qu'à 500 pi AGL la puissance moteur est au ralenti, seu ‐ lement 43 % répondent qu'une remise des gaz est nécessaire. Lorsqu'on pose à nouveau la question en baissant l'altitude à 200 pi AGL, seulement 63 % des pilotes songent à remettre les gaz. Cet écart de conformité est certes symptomatique d'un manque de connaissance de l'existence même de la corréla ‐ tion Puissance au ralenti ‐‐‐ > Approche non stabilisée. On peut facilement extrapoler ce manque aux sept autres facteurs énu ‐ mérés plus haut. La non ‐ conformité est aussi expliquée par la variabilité et la complexité des procédures visant les approches stabilisées. Certains transporteurs ont encore des procédures longues et ambiguës qui font l'objet de modi f ications fréquentes. Plu ‐ sieurs parties prenantes de l'industrie demandent que les pro ‐ cédures s'alignent sur le professionnalisme des pilotes, avec simplicité et... stabilité, et souhaitent l'introduction de concepts tels que la zone optimale et les limites latérales de poser des roues, puisque la résultante de l'instabilité pendant l'approche est vraisemblablement l'instabilité au ‐ dessus de la piste.

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